Oratoire (Congrégation de l’)

Samy Ben Messaoud

1L’Oratoire de France est fondé par Pierre de Bérulle (1575-1629), le 11 novembre 1611. Dans sa bulle d’approbation, Sacrosanctae Romanae Ecclesiae (10 mai 1613), Paul V ajoute à la charte d’institution de l’Oratoire de nouvelles obligations : l’instruction de la jeunesse et la direction de collèges. Ne voulant pas concurrencer la Compagnie de Jésus, Bérulle, ancien élève des Jésuites, avait exclu l’éducation des laïques des attributions de sa congrégation ; craintes justifiées car la rivalité entre ces ordres enseignants fut permanente, vive. Si les disciples de Bérulle avaient excellé dans la pratique pédagogique, le principal objectif de l’« Oratoire de Jésus et de Marie immaculée » consiste dans la réhabilitation de l’état de prêtrise et la restauration du sacerdoce catholique.

2L’Oratoire de France, société de prêtres séculiers, s’inspire dans sa doctrine spirituelle de l’Oratoire de Rome, fondé par Philippe Néri (†1595) en 1575. Recruté parmi les élites bourgeoises de province ou la noblesse de robe, le prêtre oratorien ne prononce pas, à l’issu de son noviciat, des voeux solennels. « Entre qui peut, sort qui veut », telle est la devise de l’Oratoire ; l’autorité s’y exerce dans la douceur et le respect sans le secours de la crainte. Les prêtres, consacrés à la prédication et l’enseignement, travaillent dans un environnement empreint d’amitié et de confiance mutuelle. Le dévouement, l’humilité et le désintéressement sont les principales valeurs morales de cet ordre. L’oratorien, à l’instar de Jésus-Christ, le premier instituteur, est un homme d’oraison continuelle. La sanctification du clergé et la perfection sacerdotale représentent ainsi les fondements de la doctrine spirituelle de l’Oratoire.

3Les constitutions de l’Oratoire, rédigées par Charles de Condren (†1641) et François Bourgoing (†1662), disciples de Bérulle, n’imposent aux prêtres que les règles de l’Eglise apostolique. Dirigé par un supérieur général élu par les prêtres, lors de l’assemblée annuelle de la congrégation, l’Oratoire de France diffère dans son mode d’organisation interne de l’Oratoire de Rome, où chaque maison dispose d’une parfaite autonomie. Pendant la scolarité de Montesquieu au collège de Juilly (1700-1705), l’Oratoire comptait 581 prêtres pour 85 maisons; Pierre-François de La Tour (†1733) était alors le supérieur général de la congrégation. Son généralat, commencé en 1696, fut le théâtre de dissensions internes, dues aux jansénismes et à la bulle Unigenitus (8 septembre 1713), condamnant les Réflexions morales de Quesnel, prêtre oratorien.

4Dès sa fondation, l’Oratoire de France avait occupé dans la République des lettres, une place prépondérante. Le cardinal de Bérulle, augustinien, ami de Descartes, proche de Saint-Cyran, directeur des religieuses de Port-Royal, était, avec Vincent de Paul et François de Sales, l’un des maîtres les plus influents de l’école française de spiritualité. Philosophie (Malebranche, Catalogue, no [‣]), rhétorique (Bernard Lamy, Catalogue, no [‣]), exégèse biblique (Richard Simon, Catalogue, no [‣]), histoire (Jacques Le Long, Catalogue, no [‣]), théologie (Louis Thomassin, Catalogue, no [‣]), les oratoriens se sont illustrés dans tous les domaines du savoir. Ces auteurs sont non seulement connus et appréciés de Montesquieu, mais aussi conservés dans sa bibliothèque. Lors de ses séjours à Paris, Montesquieu fréquentait la bibliothèque de l’Oratoire : le P. Desmolets (†1760), son bibliothécaire, lui fut d’une aide précieuse (Correspondance, OC, t. XVIII, nos 5, 102, 280). Outre la recherche des livres, Desmolets, correspondant et ami de Montesquieu, fut, comme l’atteste le Spicilège, un interlocuteur privilégié, car c’est lui qui lui fournit le « recueil » de l’Anonyme qui constitue le noyau initial de ce précieux recueil de notes (no 1 à 203 : voir Spicilège, OC, t. XIII, Introduction). C’est également lui qui prêta la main à la publication du Temple de Gnide, dont le caractère licencieux jurait avec les tendances jansénisantes de l’ecclésiastique (OC, t. XVIII, lettre 118).

Bibliographie

Adolphe Perraud, L’Oratoire de France au XVIIe et au XIXe siècle, Paris, 1865 (Bulle d’institution de la Congrégation de l’Oratoire, p. 501-504).

Alfred Franklin, Les Anciennes Bibliothèques de Paris, Paris, 1870 (Bibl. de l’Oratoire, t. II, p. 337-349).

Henri Bremond, Histoire littéraire du sentiment religieux en France, [1921] nouvelle éd., François Trémolières dir., Grenoble, 2006, vol. I, t. III.

Michel Leherpeur, L’Oratoire de France, Paris, 1926.

André George, L’Oratoire, Paris, 1928.

Dictionnaire de théologie catholique, Paris, 1931, t. XI, col. 1104-1138.

L’Oratoire de France, Monsoult, 1950.

Jacques Hillairet, Dictionnaire historique des rues de Paris, Paris, 1963 (L’Oratoire, 145 rue Saint-Honoré).

Catholicisme hier aujourd’hui demain, Paris, 1985, t. X, col. 142-147.

René Boureau, L’Oratoire en France, Paris, 1991.

Anne Ferrari, Figures de la contemplation. La rhétorique divine de Pierre de Bérulle, Paris, 1997.

Agnès Gerhards, Dictionnaire historique des ordres religieux, Paris, 1998.

Yves Krumenacher, L’École française de spiritualité, Paris, 1998.

Le Patrimoine de l’Éducation nationale, Danièle Alexandre-Bidon dir, Charenton-le-Pont, 1999 (P. de La Tour, buste sculpté, p. 252).

Chroniques de Port-Royal 30 (2001).

Pour citer cet article

Ben Messaoud Samy , « Oratoire (Congrégation de l’) », dans Dictionnaire Montesquieu [en ligne], sous la direction de Catherine Volpilhac-Auger, ENS de Lyon, septembre 2013. URL : https://dictionnaire-montesquieu.ens-lyon.fr/fr/article/dem-1377612425-fr/fr