Voyage à Paphos

Carole Dornier

1Le Voyage à Paphos fut publié anonymement dans le numéro de décembre 1727 du Mercure de France. Dans deux lettres à Denis Dodart, l'une de décembre 1726, l'autre de janvier 1727, Montesquieu parle d'un « petit ouvrage » pour lequel il demande à son correspondant des remarques critiques (OC, t. XVIII, nos 252 et 256). La proximité chronologique de ces lettres avec la parution d’un écrit dans la veine du Temple de Gnide, dont il ne subsiste pas de manuscrit, explique l’attribution, très douteuse, à Montesquieu.

2Il s’agit d’un récit allégorique et galant d’inspiration mythologique. Diphile arrive sur l’île de Paphos, consacrée à Vénus. Une nymphe, Zélide, lui fait les honneurs du lieu. La visite de l’île est l’occasion d’allégories définissant un art d’aimer bienséant et raffiné, d’évocations satiriques des ridicules de la galanterie française contemporaine et des mauvais amants. L’alliance de la Vénus de Paphos avec Bacchus célèbre le mélange du vin et de l’amour. Le récit est inachevé, comme cela est annoncé dans le paragraphe d’introduction qui parle d’un manuscrit déchiré, auquel manquent le titre, la première page et la fin.

3De nombreux aspects du Voyage à Paphos rappellent Le Temple de Gnide et ont amené la critique à comparer les deux ouvrages pour discuter l’attribution à Montesquieu Celui-ci n’aurait pas écrit un deuxième récit sur les mêmes thèmes et selon une trame similaire. D’autre part, le Voyage à Paphos serait esthétiquement très inférieur au Temple de Gnide à cause du mélange dissonant d’allusions aux mœurs contemporaines et d’allégories, sans compter le prosaïsme et les fautes de goût, les incohérences dans la chronologie du récit. On trouve seulement des allusions possibles dans la correspondance (déjà citée) et deux sources : un supplément de la France littéraire et le passage de l’ouvrage d’O’Gilvy sur la noblesse de Guyenne et de Gascogne, relatif à Charles-Louis de Secondat, ont permis de soutenir l’attribution à Montesquieu.

Bibliographie

Éditions

Mercure de France, décembre 1727, https://books.google.fr/books?id=w3lQAAAAYAAJ&pg=PA2849-2886.

Montesquieu, Œuvres complètes, André Masson dir., t. III, 1955, p. 237-262.

OC, t. IX, Œuvres et écrits divers II, 2006, p. 543-573 (parmi les textes d’attribution incertaine ; texte établi par Cecil Courtney, présenté et annoté par Carole Dornier).

Bibliographie

Henri Gabriel O’Gilvy, Nobiliaire de Guienne et de Gascogne, Bordeaux, 1858, p. 259.

Louis Vian, Histoire de Montesquieu, Paris, 1878, p. 92-94.

Jeannette Geffriaud-Rosso, Montesquieu et la féminité, Pise, Libreria Goliardica, 1977, p. 445-449.

Robert F. O’Reilly, « The Spurious Attribution of the Voyage à Paphos and an Appreciation of Montesquieu’s Temple de Gnide », Oxford, Voltaire Foundation, SVEC, 189, 1980, p. 229-237. (http://montesquieu.huma-num.fr/editions/fictions-poesies/le-temple-de-gnide/presentation, 2021).